Édito
Graphisme : Julie Piednoir
« Rien ne s’est passé comme prévu.
Rien ne se passe comme prévu.
Rien ne se passera jamais comme prévu. »
Jordan Plevnes
Je ne savais pas. Je n’imaginais même pas qu’on pouvait faire cela. Fêter l’anniversaire de la guerre. Une année entière. Avec les images les plus chocs à l’appui. Détaillées par les discours avisés de tous les chefs d’armées et autres experts en conflits internationaux, trop heureux de reprendre le devant de la scène. Car la situation est sérieuse. Plus question de laisser la parole aux artistes et autres poètes. Même plus un strapontin pour un éventuel Jaurès. La parole n’est pas à la paix. Tout le temps d’antenne est dévoré par ceux qui savent comment nous devons agir ou plus exactement comment nous devons nous abstenir d’agir.
Conversation d’un couple devant un comptoir en zinc et 2 verres de blanc :
Elle : On est comme les souris du film d’Alain Resnay, on dépérit à force de recevoir des mauvaises nouvelles et pas la moindre possibilité de trouver une parade.
Lui : Très juste ! Au lieu de mourir à petit feu et sous anxiolytiques on devrait plutôt lancer notre guerre à nous.
Elle : Ah ? Et contre qui ?
Lui : Le gaz carbonique !
Elle : Tu veux dire contre le réchauffement climatique ?
Lui : Oui, si tu préfères. Après tout, c’est nous, les occidentaux qui avons fabriqué cet ennemi mortel, celui qui va détruire toute la planète. Alors, on a une mission sur la Terre : le réduire à néant, ou pour ne pas trop le vexer, l’affaiblir au point qu’il ne puisse plus nous nuire.
Elle : Et comment tu la mènes cette guerre ?
Lui : Avec des trucs tous simples : fermeture des ports et des aéroports. Pas de voiture roulant avec moins de 4 passagers. Pas de lumière la nuit (couvre-feu quoi). Pas de chauffage non plus (pour ne pas être repéré par les caméras à infra-rouge). Économie en circuit court et réparation de tout, tout le temps.
Elle : Un peu radical non ?
Lui : C’est le minimum tu veux dire ! Là-bas, ils tirent à balles réelles et c’est toute une jeunesse qui meurt pour rien. Ici, c’est toute une jeunesse qui va trinquer. Alors au lieu d’attendre qu’il ne reste plus que des vieux cons assistés par ordinateurs, aux armes citoyens !
Elle : D’accord. Mais on finit nos verres d’abord.
Patrick Verschueren